Quand je demande aux personnes qui rentrent dans mon cabinet quelles sont leurs attentes en venant me consulter, celles-ci finissent presque toujours par me dire : « je veux aller bien » ou « je veux aller mieux ».
En demandant à ces personnes de préciser ce qu’elles entendent par « aller bien » ou « mieux », elles évoquent la disparition de leurs symptômes ou difficultés actuelles : crises d’angoisse, phobie, dépression, compulsions alimentaires ; trouble de l’érection, de l’éjaculation, vaginisme, anorgasmie, manque de désir sexuel; disputes, différences de fonctionnement entre les deux partenaires d’un couple…
Nous n’aimons pas souffrir et cherchons spontanément à supprimer nos souffrances, par différents moyens : déni, procrastination, hyperactivité (professionnelle, sportive, sexuelle…), grignotages, tentatives de solutions pour résoudre la souffrance par les cogitations, etc.
Bien souvent, ces stratégies fonctionnent à court terme. Si je n’ouvre pas mon courrier aujourd’hui, je ne saurai pas pendant plusieurs heures que j’aurai cette facture démesurée à régler avant la fin du mois et n’en serai donc pas affecté ; si je me surinvestis dans un travail gratifiant, je souffrirai moins de l’ambiance tendue à la maison avec mon conjoint ; si je ne fais pas l’amour, je ne me sentirai pas nul si j’atteints la jouissance en moins de 2 mn, etc, etc.
Cependant, ces tentatives de contrôle de notre souffrance s’avèrent dans la plupart des cas inefficaces sur le moyen terme et/ou long terme voire peuvent augmenter notre souffrance initiale : Si je n’ouvre pas à temps mes factures, je devrai payer des pénalités de retard, si je me surinvestis au travail au détriment de mon couple, mon conjoint risque de me quitter, si je ne fais plus l’amour avec lui, il risque aussi de me quitter, ou de prendre un amant, et je suis sûre que vous pouvez trouver un tas d’exemple, dans vos propres vies ou dans celles de vos proches.
Cela signifie-t-il que la souffrance est inéluctable ? Oui. Il est extrêmement rare (voire impossible ?) par exemple qu’une vie humaine ne connaisse aucun échec ni aucune perte de personne proche. Plus rare encore est la probabilité de ne connaitre aucun problème de santé, surtout avec l’avancée en âge. Ajoutons à cela les possibles évènements traumatiques (accidents, agressions, vécues directement ou apprises, comme lors des derniers attentats parisiens), toutes les blessures du quotidien, variables en intensité selon nos personnalités (une mauvaise évaluation au travail, un ami qui oublie de vous souhaiter votre anniversaire, ces matins où le fait de sortir du lit est une torture, quand vous montez sur la balance et que vous avez pris quelques kilos de trop…). On pourrait sans doute allonger la liste mais l’idée n’est pas de vous déprimer, bien au contraire !
Car il y a une bonne nouvelle. Si la souffrance est inéluctable, le bonheur n’en est pas pour autant inaccessible. Il s’agirait de changer de croyance.
La plupart d’entre nous avons la croyance que, pour être heureux, il faudrait enlever la souffrance. Etant donné que la souffrance est inéluctable, adhérer dur comme fer cette croyance risque très fort de nous rendre malheureux.
Qu’en est-il si nous adoptons la croyance suivante : « je peux être heureux même avec mes souffrances » ? Le champ des possibles s’ouvre. Il ne faudra pas attendre que vos difficultés cessent, il ne faudra pas attendre des années pour pouvoir aller en direction de votre bonheur. La voie du bonheur vous sera accessible dès ici et maintenant.
Cela repose sur une conception du bonheur décrite notamment dans le modèle de la thérapie ACT (thérapie d’acceptation et d’engagement), que l’on pourrait résumer comme le fait de vivre une vie pleine de sens.
Nous pouvons vivre une vie pleine de sens avec nos souffrances. Cela nécessite 3 choses : accepter les aspects de la vie qu’on ne peut pas changer (notamment, certaines de nos souffrances, comme par exemple, la tristesse découlant d’une rupture), déterminer ce qui est vraiment important pour soi, indépendamment des normes sociales (ce que l’on appelle en thérapie ACT nos valeurs, par exemple : passer des moments de partage avec des proches) et agir en ce sens (appeler ses amis pour leur proposer un diner plutôt que de ruminer sur sa tristesse seul dans son coin) .
Qu’en-est-il pour vous ? Etes-vous prêts à consacrer l’énergie que vous dépensiez à fuir vos émotions difficiles au développement d’une vie pleine de sens ? Quelles sont vos valeurs, les aspects de votre vie que vous devriez accepter pour aller dans le sens de vos valeurs et les actions concrètes que vous pouvez entreprendre pour vous diriger vers celles-ci ?