Le couple est une préoccupation majeure pour la plupart des êtres humains. Nous aspirons à vivre en couple et fondons beaucoup d’espoir sur nos histoires amoureuses, attendant qu’elles nous rendent plus heureux. Ces attentes sembleraient bénéfiques pour notre bien-être. Yvon Dallaire, psychologue et auteur spécialiste du couple, a observé que les personnes formant des couples heureux sont des personnes qui nourrissent beaucoup d’attentes vis-à-vis de leur couple.
Pourtant, on constate en consultation que les couples malheureux ont eux aussi de nombreuses attentes concernant leur couple. Ils souhaitent que leurs compagnes ou leurs compagnon changent: « si seulement il communiquait plus » ; « j’aimerais qu’elle me sollicite plus souvent sexuellement », « j’attends de mon homme qu’il remarque quand je vais mal, sans que j’aie besoin de lui dire » ; « j’aimerais qu’elle soit moins maniaque pour le ménage » ; « j’aimerais qu’il m’aide plus pour les tâches ménagères », etc. Et comme ces attentes ne sont pas comblées, ils se sentent malheureux.
Beaucoup de couples semblent à deux doigts du bonheur, on a l’impression qu’il suffirait de pas grand-chose pour l’atteindre : que l’autre change, pas totalement, non, mais sur un ou 2 points qui nous semblent fondamentaux. Or celui-ci ne change pas, alors on lui en veut, on se dit qu’ « il pourrait faire un effort quand-même ! », voire qu’il est en train de tout gâcher. On finit ainsi par se braquer soi-même sur nos propres possibilités de changement, attendues par l’autre. Pourquoi changer soi-même alors que l’autre ne fait pas cet effort ?
J’ai pu observer cette dynamique chez de nombreux couples qui me consultent. Celle-ci favorise les « escalades émotionnelles » dans les interactions du couple qui deviennent de plus en plus fréquentes, se déclenchant dès que le moindre différant entre les partenaires pointe le bout de son nez (comme le fait d’avoir laissé trainer ses chaussettes dans la chambre ou de ne pas avoir acheté le pain en rentrant à la maison). Ces interactions en escalades émotionnelles se caractérisent par un démarrage brutal d’échanges négatifs qui se poursuivent par ce que Gottman nomme les « 4 cavaliers de l’apocalypse » : la critique, le mépris, l’attitude défensive et la dérobade. En découle un sentiment de « noyade », manifesté notamment par des symptômes de stress physique (accélération du rythme cardiaque, augmentation de la tension artérielle, sécrétion d’adrénaline). Les tentatives de rapprochement de l’un ou de l’autre échouent et quand on se remémore l’histoire de son couple, on n’arrive à y retrouver seulement des mauvais souvenirs. Finalement, en plus des attentes déçues, viennent s’ajouter toutes ces interactions négatives qui deviennent elles-mêmes le problème majeur du couple.
De ce constat, on peut déduire qu’il s’agirait pour être heureux en ménage de ne plus entretenir d’attentes de changement vis-à-vis de son compagnon ou de sa compagne. Mais comment faire pour ne pas se désinvestir de son couple si l’on n’en attend plus rien ? Et si l’on continue à entretenir ces attentes qui semblent ne pas pouvoir être comblées, comment rester optimiste et plein d’espoir par rapport à son couple?
Une des pistes proposées par les courants modernes de la psychologie (psychologie positive, thérapie ACT…) est de focaliser son attention sur ce que l’on peut changer soi-même, c’est-à-dire, qui ne dépend que de nous. Et qu’est-ce que l’on peut changer soi-même, qui ne dépende que de nous, dans nos couples ? Eh bien… soi-même justement. Il est beaucoup plus aisé d’essayer de changer quelque chose en nous-même qu’en notre partenaire. Au lieu d’attendre que mon partenaire communique plus, je peux l’inciter à communiquer, en l’invitant à cela par des questions. Si je souhaite que mon compagnon me sollicite moins sexuellement, je peux décider de travailler sur mon propre désir sexuel pour faire naitre en moi l’envie d’aller vers lui, ou lui proposer certains soirs de s’adonner au plaisir solitaire. Si j’attends du réconfort quand je vais mal, je peux dire à ma compagne quand je vais mal et lui dire que j’ai besoin de son soutien. Si je trouve ma femme trop maniaque, je peux l’aider à faire le ménage ou embaucher une femme de ménage pour que son esprit soit moins préoccupé par la poussière et les miettes. Si je souhaite de l’aide pour les tâches ménagères, je peux moi-même embaucher une femme de ménages.
Ces solutions ne sont que des exemples qu’il faudra affiner au cas par cas. Celles-ci ne seront pas parfaites et il est bénéfique d’accepter qu’elles ne le seront pas, qu’on aurait préféré que cela soit plus facile, que ca vienne de l’autre spontanément, etc. Toutefois, elles ont le mérite de vous aider à ne pas rester bloqués dans une situation qui pourrait s’envenimer (cf, les 4 cavaliers de l’apocalypse) et à consacrer votre énergie non plus aux attentes qui vous séparent, liées aux différences inhérentes à chaque partenaire du couple mais aux attentes qui vous rapprochent, liées à vos valeurs communes (par exemple, le goût du voyage et de l’aventure, l’expression artistique, le dépassement de soi, la convivialité, etc.). Ce sont ces attentes qu’il s’agirait de développer si vous souhaitez que votre couple soit le plus heureux possible. En consacrant moins de temps à communiquer autour de vos problèmes de couple, vous pourrez en consacrer plus à identifier ces attentes communes et les transformer en projets concrets. Ce faisant, vous développerez deux des trois piliers du couple heureux (le troisième étant la sexualité) : l’intimité et l’engagement.
Pour éprouver le bonheur d’être en couple, je vous invite donc à rester exigeants par rapport à votre couple, à vous y investir pleinement mais pas n’importe comment : en vous concentrant sur des attentes positives et réalistes (« qu’est ce que je peux changer moi-même pour que mon couple ailler mieux ?; quelles sont nos valeurs et nos passions communes et comment pourrions-nous les développer ? »), tout en acceptant de mettre de côté les attentes de changement qui « résistent » (« j’aimerais que mon partenaire change ceci ou cela »).